Rencontres inattendues…

Voilà des années que je pratique le covoiturage sur des trajets de week-end ou de vacances. Néanmoins, c’est cet été que j’ai pris conscience de ce qui se passait réellement dans ce genre de configuration…

Au mois de juillet, ayant de nombreux trajets à réaliser en voiture, c’est tout naturellement que j’ai proposé des places en covoiturage. Je n’attendais rien de particulier et pourtant…J’accueille ma première passagère, une femme d’une cinquantaine d’années. Assez loquace, elle aime l’échange et engage assez rapidement la conversation. De fil en aiguille, nos échanges s’approfondissent avec beaucoup de facilité. À l’âge de 13 ans, avec sa famille, la jeune adolescente qu’elle était a quitté son pays d’origine, le Viêt Nam, pour un long voyage semé d’embûches. Entre autres étapes, elle nous conte sa vie en camp de réfugiés. Puis, elle décrit son arrivée en France, l’adaptation à des coutumes si nouvelles pour elle, l’intégration qu’elle qualifie d’indispensable, le travail acharné, et, enfin, le difficile exercice d’associer le souvenir de ses racines et l’envie de s’ancrer dans ce pays étranger. Avec cette personne, nous devions rouler 100 km. En réalité, elle nous a fait voyager beaucoup plus loin. Durant son récit, croisant de temps en temps le regard de mes deux jeunes passagères à l’arrière, j’ai lu, tour à tour, l’étonnement, l’admiration, l’empathie, tout l’intérêt qu’elles ont eu pour cette histoire, peut-être même la chance d’entendre un tel témoignage.

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De retour chez moi, des souvenirs refont surface. Comme si c’était hier, j’entends encore ce jeune homme à peine majeur me dire qui il est et m’expliquer comment il se bat pour construire son propre avenir en partant de rien, sans en vouloir à ses parents. J’apprends de cet état d’esprit incroyablement positif. Il y a aussi cette jeune femme franco-japonaise me confiant sa passion du voyage et de la découverte étant déjà « riche de deux cultures ». Un autre de mes souvenirs me ramène à un trajet durant lesquels deux de mes compagnons de route, baignant chacun dans des univers très éloignés, échangent, et tentent avec précaution de se comprendre, tout du moins de s’accueillir dans leurs différences. Temps suspendu…

À mon tour, je me suis prêtée au jeu de « se raconter ». Comme chacun d’eux, j’ai expérimenté la facilité avec laquelle ces échanges sont possibles entre inconnus. À chaque fois, j’ai goûté à ce contexte facilitant d’un trajet ensemble dans l’intimité d’un véhicule commun, visant la même direction, chacun et chacune chargé·e d’un bagage plus ou moins léger. Alors je me dis que ces trajets sont comme des pépites. Les passagers d’un véhicule, de parfaits inconnus les uns pour les autres s’offrent la possibilité de partager une tranche de vie, une vision du monde, une anecdote… c’est une part de chacun de nous qui est alors livrée, souvent réciproquement sur la route, en toute confiance, comme un cadeau… Cet été, comme au fil des voyages partagés que je rejoins ou propose depuis déjà 14 ans, j’ai éprouvé ce lien qui se tisse lorsqu’on parle de soi à un inconnu, la confiance qui s’installe, les émotions qui s’invitent, le rire et la connivence prenant part au moment. En somme, il y a là quelque chose de mon métier de biographe, sous une forme plus éphémère, mais tout aussi riche que celle que j’ai l’habitude de pratiquer.

À l’issue de ces voyages, j’ai aussi vécu ce moment où l’on se quitte sans que personne ne se sente obligé de garder contact, quand bien même les conversations ont été profondes, appréciées et parfois très personnelles. À l’issue de ces partages, chacun se souhaite bonne route, très simplement, avec tout de même parfois au fond des yeux ou dans une poignée de main, l’expression d’une forme de gratitude pour ce qui a été vécu.

Caroline MAIRAND, biographe

Et vous, c’est quoi votre « nouvel » Everest ?

Chacun de nous est confronté un jour ou l’autre au vertige de la perte de sens, ce constat insupportable que notre boussole interne est déréglée. Vous lever le matin n’a plus le même intérêt et l’ensemble de vos activités ont perdu de leur saveur. C’est comme si tout dans votre vie était devenu terne, le professionnel comme le personnel… Vous êtes en train de traverser une période extrêmement déroutante, celle de la perte du sens. Comment en êtes-vous là et quels leviers pouvez-vous actionner pour en sortir ?

Se sentir « cloué au sol »

Ce qui est peut paraître particulièrement perturbant dans ce marasme, c’est le décalage entre l’avant et le maintenant. D’ailleurs, vous ne vous reconnaissez plus. Hier encore, vous vous enthousiasmiez pour un déplacement professionnel ou pour un nouveau projet au sein de l’entreprise…hier, vous alliez toujours avec grand plaisir à ce cours de danse ou cette rencontre d’escalade.  Aujourd’hui, vous ne savez plus quoi inventer pour rester sur votre canapé… Ce qui vous faisait vibrer hier semble être devenu complètement fade. Pour comprendre un tel changement, il est intéressant de revenir sur les grandes étapes qui ont pu vous mener à l’état d’esprit qui est le vôtre aujourd’hui. Parce qu’il faut bien l’avouer, la motivation vous a quitté pour tout ce que vous faisiez habituellement : travailler, vous occuper des enfants, mener votre vie sociale, faire du sport…

Chercher les grands responsables…

La perte de sens peut résulter d’un grand traumatisme, d’une rupture qui met au moins l’un des pans de votre vie à l’arrêt et vous oblige au changement (perte d’emploi, perte d’un parent, accident, confinement…).

Photo de Julius Zetzsche sur Unsplash

Elle peut aussi apparaitre à la suite de l’accumulation d’épreuves. Comme nous le faisons tous, vous avez déployé beaucoup d’énergie pour avancer malgré les difficultés. Cependant, à mesure que les épreuves se sont enchaînées, votre énergie a été mise à rude épreuve. S’ajoutant à votre épuisement, le brouillard est devenu tellement dense que vous avez perdu la direction à suivre.

À présent, vous vous sentez comme bloqué à un carrefour, ne sachant quelle direction prendre. D’ailleurs, les incertitudes ne vous quittent pas. Elles tournent en boucle, inlassablement. Vous sentez qu’il vous faut opérer un changement. Peut-être est-il déjà en cours. Mais les notions de pertes et de séparations font aussi partie du processus. Autrement dit, vous êtes conscients à ce stade qu’il va falloir symboliquement « mourir » ici pour « renaître » ailleurs. Et c’est heureux puisque cette nouvelle vie sera synonyme de bonheur et d’épanouissement.  Pour l’heure, il y a des clés de compréhension à trouver pour savoir d’où vous venez, faire le deuil du passé, mais aussi le remercier puisqu’il a fait partie du chemin.

Partir à la recherche de votre vérité pour enfin renaître !

.Plusieurs étapes sont indispensables pour opérer ce virage dans les meilleures conditions. La première consiste à poser des limites dans ce que l’on vit au présent et qui ne nous va plus. Apprendre à dire non pour contenir l’hémorragie et commencer à se respecter. En parallèle, valorisez le positif de chaque journée en identifiant ces « petits bonheurs » qui contribuent à vous redonner le sourire.  Ensuite, progressivement, il s’agit de prendre du temps pour vous et d’écouter vos envies pour aller vers des activités qui vous inspirent. Lorsqu’on se sent bien dans une activité, l’énergie se renouvelle, vous redonnant force et sourire. Au cœur de l’introspection, certains se mettront alors à la poterie quand d’autres choisiront d’apprendre une nouvelle langue, ou s’inscriront à des cours de yoga. C’est typiquement ce qui a pu être observé pendant la période de confinement en France de mars à mai 2020. Chacun a vécu cette longue pause à sa façon. Cependant, de nombreuses personnes se sont dirigées vers des réalisations très personnelles. Sans le savoir, elles ont été particulièrement à l’écoute de leurs besoins, allant même parfois jusqu’à développer leur propre talent.

Commencez à tracer votre nouvelle voie

Au sein du processus, il peut être utile de commencer à dresser la liste de ce que vous souhaitez accomplir dans votre vie. Dans ce cas, ne vous limitez pas ! Rêver, c’est sortir du cadre pour faire pétiller vos yeux et accrocher un sourire sur vos lèvres. Soyez le plus exhaustif possible.

En un mot…

Nous y voilà…vous venez de réaliser votre biographie pour retrouver du sens. Semaine après semaine, accompagné par mes soins, vous avez pu évoquer les étapes, les heureuses comme les plus douloureuses. Vous avez identifié les ruptures, mis des mots sur vos désillusions. Le récit vous a aussi permis de mettre en valeur les temps forts et ce qui vous a toujours fait pétiller. Entre le récit de vos objectifs et les expériences passées, les activités qui aujourd’hui vous font vibrer, les rêves que vous couvez, un fil rouge se dessine, un deuxième, un troisième…le tout trace progressivement le contour d’une vérité, la vôtre, la seule qui comptera pour votre épanouissement futur.

Caroline MAIRAND, biographe

Noël en famille… que la fête commence !

Noël, ses décors scintillants et chansons traditionnelles… Noël, ses repas copieux, rassemblements de famille, sa course aux cadeaux et à la… perfection ! Car oui, la fête sera parfaite, il le faut ! Tata Simone sera invitée et même si sa remarque sur la tenue vestimentaire de votre ado de 15 ans ne vous plaît pas, vous n’en laisserez rien paraître. Que nenni ! Noël c’est sacré, c’est la fête de la famille et de l’amour, pas question de déclencher une guerre chez les parents. Ce genre de scénario vous fait sourire ? C’est normal… Ce vécu est réaliste, car Noël rassemble autant d’enjeux que d’exigences.

L’épreuve du marathon de l’avent

C’est l’hiver qui frappe à notre porte

Plantons le décor et rappelons tout d’abord que cette fête a lieu aux prémices de l’hiver. Les journées sont les plus courtes de l’année. Rien que cela ! Au beau milieu de cet évènement supposé être le plus beau, le plus doux, le plus chaleureux, la température extérieure affiche – 4 °… Nos corps sont fatigués, nous ressentons ce besoin d’hiberner et nous savons déjà que nous allons vivre et même cumuler des soirées qui s’éternisent, ajoutant à notre compteur un déficit de sommeil et de repos.

Vous prendrez bien un petit bain de foule ?

Il faut bien l’avouer, pour l’achat des cadeaux, vous procrastinez. D’ailleurs, côté excuses, vous ne manquez pas d’inspiration : La foule dans les magasins, ce dossier à terminer à tout prix, trop froid, ou encore le fameux « je suis large, Noël est dans 6 jours !! » En réalité, il existe une réelle pression sur le cadeau idéal pour vos proches. Particulièrement à cette date-là, dans un décor sorti tout droit d’un film de Disney, vous vous dites que la personne qui recevra votre présent doit être ébahie, comblée… pas moins.

La perfection ou rien !

Il faut bien l’avouer, sur Noël plane un souci de perfection pour que, le jour j, le tableau soit sans faille. D’ailleurs, 2 impératifs guident les fêtes : se réunir en famille, et que cela se passe bien. Or, il est fréquent de constater que plus on éloigne les sujets de tension et plus ceux-ci ont la fâcheuse tendance à apparaître. Les explications sont multiples.

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Ce qui se rejoue en famille

Émotions mêlées

Cette fête clé représente la nostalgie de notre enfance, ces moments de notre existence où nous écrivions au père Noël et où la simple idée des cadeaux au pied du sapin, arrivés là comme par magie, nous accrochait des étoiles dans les yeux. Ce spleen provoqué par la nostalgie de l’enfance peut prendre divers degrés, suivant les personnes, le vécu et la sensibilité. De plus, les enfants autour de nous vivent justement cette excitation. Nombreux au mètre carré puisque la saison incite à rester à l’intérieur, l’espace vital manque très vite à nombre d’entre nous. Tous les paramètres sont réunis pour qu’à la moindre occasion… ça éclate !

Retomber en enfance…

Pour Noël, vous rejoignez votre région natale. La maison de votre enfance vous ouvre les bras, vos parents sur le pas de la porte pour vous accueillir. Quel joli tableau ! Oui, mais voilà, vous n’êtes pas dans un film. Dans la vraie vie, lorsque nous revenons chez nos parents, nous retrouvons leur rythme et petites habitudes. Or, ceux-ci peuvent s’avérer aujourd’hui extrêmement différents des vôtres.

Harmonie parfaite ? Pas si simple…

Souvent, de retour à la maison, chacun de nous reprend sa place. Nous redevenons l’enfant de nos parents, dans le système familial qui était en place à l’époque où nous vivions ici. C’est aussi dérangeant qu’inconfortable. Car nous n’avons plus 8 ans, et avons construit, en grandissant, notre propre système familial. Ces différentes sphères se heurtent. Les « on a toujours fait comme ça » s’opposent aux « maman, arrête de me recoiffer ». On comprend alors très vite qu’il peut être difficile de rester doux et souriant au cœur de la cohabitation.

La difficulté d’accepter l’ombre au tableau

Les fêtes de fin d’année c’est aussi ces très longs moments à table, où l’on approfondit les conversations, tremplin vers les divergences d’opinions. Dans ce cas, peu de personnes affectionnant le conflit, la déception est grande. L’on constate que le dérapage a eu lieu. Ça… c’est fait ! En réalité, il était inévitable. La seule façon de bien le vivre est de faire le deuil de parents parfaits, de frères et sœurs idéaux, en somme, d’une entente impeccable. La solution semble alors d’accepter que Noël, le vôtre, le sien ou le mien, soit imparfait.

En un mot

Pour vous éviter quelques tensions, accordez-vous des temps de respiration pour relâcher la pression entre deux diners. A quelques jours des festivités, essayez d’identifier le sujet qui a mis le feu aux poudres l’an dernier. Puis, quoi que vous fassiez, il y aura ce cadeau qui ne plaît pas vraiment, ce désaccord entre vos sœurs à 22h54 le 24 décembre, la dinde un peu trop cuite. Mais voilà… Vous aurez vu votre grand-mère sourire en observant un tout petit jouer sur le tapis près d’elle, vous aurez revu votre frère expatrié au Québec et rentré pour l’occasion, vos enfants étudiants tous présents, et votre petite dernière rire aux éclats. Vous vous direz… « Noël ? Ce n’était pas si mal… C’était même un bon moment ». 

Caroline MAIRAND, biographe

Génogramme : comprendre ce qui nous lie…

Une histoire de famille, c’est tout un roman. Péripéties, liens d’amour ou conflits, engagements, jalousies… tout y est ! et c’est le cas pour chaque famille, la vôtre comme la mienne. Le plus puissant et le plus évident des systèmes est bel et bien celui-ci. Pour comprendre ce qui s’y passe, il nous faut entrer dans ses rouages. Si l’arbre généalogique donne les repères nécessaires des liens de parenté dans le temps, le génogramme offre quant à lui une vision beaucoup plus authentique, réunissant tous les éléments, sans tabous ni secrets. C’est précisément cet outil qui permet de comprendre le roman, interroger sa propre place pour écrire la suite avec ce nouvel éclairage et enfin retrouver…la liberté !

Quand l’inconscient familial devient conscient

Le génogramme rassemble tous les membres de la famille, y compris les fausses couches, les enfants illégitimes et les enfants adoptés. Sont également précisés les troubles divers et variés. Tout ce qui peut avoir un effet boule de neige, influencer les relations et l’évolution des individus a sa place dans le génogramme. L’idée n’est pas tant de « chercher la petite bête » que de rendre les informations conscientes. Puisqu’elles existent et comme il n’est plus à démontrer que les liens de famille nous touchent, alors évoquons-les.

Ainsi, en tant qu’individu faisant partie de ce « système familial », et relié à mes parents, grands-parents, frères, sœurs, cousins, oncles et tantes, je prends acte et vibre de toutes ces informations, comme une toile d’araignée que le vent chahute. Loin de me déstabiliser, cette histoire commune m’apporte des connaissances précieuses et indispensables.

Alors, comment s’y prendre ?

Dans un premier temps, il s’agit de rassembler les informations dont on se souvient. La personne qui s’attelle à cette tâche est le centre du système qu’elle va retranscrire. Elle pourra ensuite, pour étoffer ses connaissances et en apprendre davantage, interroger l’entourage.

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Sur cette carte familiale, chaque membre est représenté par son prénom, son nom et son âge à l’instant t. On y met aussi les personnes qui vivent sous le même toit que la famille, même sans lien de parenté, car ils entrent, de fait, dans le système familial. Puis on ajoute le douloureux : les décès (dates et circonstances), les maladies physiques ou mentales, hospitalisations, conflits, troubles divers, les évènements marquants, les dates clé, les types de relations, conflits ou alliances entre les gens. Anne Ancelin Schutzenberger parle de génosociogramme pour qualifier l’outil ainsi étoffé. Les manques d’informations sont symbolisés par des espaces « blancs ». Il s’agit des tabous, de ce que la famille a voulu passer volontairement sous silence.

3 types de contenus entrent donc dans la composition : le contenu apparent, celui que l’on connait tous et qui se rapproche de l’arbre généalogique, le contenu abstrait, ensemble des valeurs, traditions, attitudes, façons de résoudre les problèmes. Enfin, il y a le contenu caché : les non-dits, les secrets, les personnes oubliées ou mises de côté, les rancunes, les vengeances, les évènements honteux.

Une toile aux multiples liens : sentiments mélangés…

Le schéma global de votre génogramme ainsi conçu peut paraître dans un premier temps fascinant. Comme au cœur d’un travail de biographie, parcourir l’ensemble des éléments qui forment la famille « en lien » procure un sentiment d’appartenance, dérangeant ou réconfortant suivant la situation. Quoi qu’il en soit, je viens de là… Faire face à autant d’informations qui nous touchent permet d’exprimer des sentiments liés à ce qui se joue, se rejoue, à ce qui se cache, etc. C’est aussi dans ces moments d’analyse (accompagnée d’un professionnel) que l’on peut prêter attention à la place que l’on occupe au sein de ce système.

Connaître, reconnaître, dénouer… pour reconquérir sa liberté

Tant qu’une leçon n’est pas comprise, elle se répète. C’est pourquoi, au sein d’une histoire familiale, on peut voir des situations se renouveler de génération en génération : échec amoureux, faillite, maladie, addictions, luttes x ou y…Prendre conscience du contexte et de l’histoire de chacun des membres de notre famille, observer les relations entre tous, origine ou conséquence de ces contextes et de ces histoires, c’est porter un regard neuf sur l’ensemble. Le fameux « pas de côté » pour mieux comprendre. Devenant conscients de tout ce vécu riche et complexe, nous pouvons alors prendre les commandes pour vivre notre propre existence et non celle de nos aïeux. Si les liens n’étaient que répétition, dettes de loyauté, dettes émotionnelles, les révéler offre la possibilité de les couper. En toute bienveillance, nous laisserons à nos parents, grands-parents ou arrières leurs combats, peurs, échecs, deuils non résolus, ou culpabilité… En coupant ces liens, nous nous délestons de poids qui ne nous appartiennent pas.  

Former son génogramme permet de court-circuiter des automatismes néfastes pour ne pas reprendre le flambeau de cercles infernaux. Dessiner un tel tableau, c’est commencer à  se réapproprier son histoire pour mener sa propre existence, pas celle de ses aïeux. Puis, tout naturellement, écrire un « après » choisi et voulu.     

Caroline MAIRAND, biographe

Mes vœux sur-mesure…

En ces premiers jours de 2024, je vous présente mes meilleurs vœux. Mes métiers de biographe et de conteuse offrent du sur-mesure. Or, dans ces souhaits de bonne année, il me semble que le sur-mesure importe aussi. À chacun sa définition du meilleur. Alors, aux enfants des écoles à qui je viendrai conter des légendes, je souhaite une imagination débordante et de l’émerveillement à n’en plus finir. À l’adulte qui se penche sur sa propre histoire, je souhaiterai un très bel envol, délesté des poids du passé. Au professionnel pour qui j’écrirai un article mettant en lumière ses réalisations, je souhaiterai d’apporter sa pierre à l’édifice d’un nouveau monde. Aux lycéens et étudiants que j’aurai le bonheur de rencontrer cette année encore en ateliers d’expression, j’oserai citer Jacques Brel : « Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir. Et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. » Que la créativité, la sensibilité et le jusqu’au-boutisme de cet immense artiste vous permettent de danser sous la pluie. 

Caroline MAIRAND, biographe

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Danser sous la pluie… oui, mais comment ?

La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est jalonnée de grandes joies, mais aussi d’épreuves, certaines plus difficiles que d’autres. Ces épreuves ont parfois le visage de traumatismes, ces évènements qui nous bouleversent sans commune mesure. On parle de traumatisme lorsqu’il y a perte de contrôle. Le choc est tellement fort qu’il est associé à un sentiment d’effroi et à un comportement de sidération. Il y a comme une disjonction de l’activité psychique et physique. Seule la résilience peut permettre de passer outre. Oui…mais comment ?

Qu’est-ce que la résilience ?

Le terme de résilience est fréquemment utilisé. Il semble même être « à la mode ». Il est vrai que l’on peut être résilient quasiment au quotidien. Pour autant, il s’agit d’une notion complexe qui ne peut pas se définir en une simple phrase. Faire preuve de résilience, c’est chercher les ressources positives pour se reconstruire. C’est aussi porter un regard nouveau sur une situation que l’on a vécu. La résilience est une démarche, un travail sur soi, un renouveau malgré des blessures. Elle intervient après que l’on a été confronté à l’adversité.

Pourquoi est-ce indispensable ?

Parvenir à la résilience, c’est réussir à surmonter de grandes difficultés, s’en relever et même s’épanouir. On comprend alors que ce travail est incontournable si l’on veut accéder de nouveau au bonheur.

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En quoi la biographie peut-elle permettre d’y accéder ?

Plusieurs facteurs permettent d’atteindre cet état d’esprit, ce nouveau fonctionnement. Certaines personnes portent en elles davantage de ressources pour activer le changement. Mais, bien accompagné, chaque individu peut apprendre à s’adapter à ce qui est, aux nouvelles cicatrices visibles ou invisibles liées au traumatisme (deuil, perte d’emploi, maladie, pandémie, guerre, accident, etc.). Puis, le travail consiste à redessiner un avenir, pour ne pas simplement survivre, mais vraiment vivre pleinement sans regret ni retenue, différemment, mais aussi fort qu’avant.

Parmi les biographies et récits de vie, Magda Hollander Lafon était une jeune juive hongroise à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Elle fut déportée, survécut, puis elle tenta de se reconstruire. C’est seulement adulte, qu’elle put accéder à l’état de résilience. Encouragée par ses proches, elle écrivit « 4 petits bouts de pain », ce témoignage poignant fait de coups de projecteurs sur l’insupportable des camps de la mort qu’elle ne voulait pourtant plus jamais évoquer. Plus récemment, Julie Grand, survivante d’un attentat, décide d’écrire et de publier « sa vie pour la mienne », un hommage à son sauveur, certainement un pas vers la résilience pour dire oui à la vie.

En un mot...

Écrire son histoire, c’est faire le choix de détailler certaines époques de sa vie. C’est aussi et surtout poser des mots sur des émotions et leur permettre de s’apaiser. Au fil de l’écriture, la personne qui se raconte prend du recul sur les évènements de sa vie. Elle élabore une pensée nouvelle. S’engager dans une cause pour certains, rendre hommage ou s’aider du spirituel pour d’autres, renaître ailleurs, dans un autre pays, avec un autre métier, comme un renouveau qui éclaire la route… à chacun sa définition de l’après, pourvu qu’il y ait reconstruction. 

Caroline MAIRAND, biographe

Lever de rideau sur les non-dits de famille

Dans l’histoire familiale, les non-dits sont des secrets connus seulement d’une poignée de personnes. Les autres sentent qu’il existe une vérité, mais ne parviennent pas à la définir.  Préserver le secret est demandé à certains, quand il est vital pour d’autres, pour éviter scandale, rejet, ou qu’en-dira-t-on. Il en va de l’intégrité du groupe, de la réputation. La peur que le barrage ne cède est forte. Les non-dits touchent à la mort, à la sexualité, à la stérilité, aux relations extra-conjugales. Ils peuvent aussi cacher le handicap, les transgressions morales ou juridiques, les revers de fortune…mais le plus dévastateur est sans doute l’inceste.

Quels indices laissent-t-ils à penser que l’on couve un non-dit ?

Nous sentons qu’il y a anguille sous roche, et pourtant personne n’a eu « le mot de trop ». Ce qui laisse entendre l’existence du non-dit, ce sont les messes basses, les changements de ton lorsqu’un mot ou un nom est évoqué, les regards qui en disent long.

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Ils peuvent aussi être traduits par des comportements étranges et anxieux, des rituels qui s’installent ou des mises en garde un peu excessives. Le traumatisme et l’inconscient collectif laissent des traces parfois propices à l’enquête.

Pourquoi les non-dits existent-ils, quelle est leur fonction ?

Un mélange d’émotions enveloppe le non-dit, la peur étant aux commandes. Pourtant, il est créé dans un premier temps pour préserver… Préserver la sensibilité de certains membres de la famille, conserver la cohésion du clan, éviter le qu’en-dira-t-on. Si ce secret bien gardé est révélé, il peut, pense-t-on, éloigner les gens, dans le cas d’une adoption, d’un écart de conduite, etc.

Pourquoi ou quand est-il essentiel d’en sortir ?

Les membres de la famille qui ne sont pas conscients du ou des non-dits sont comme dans une prison psychologique dont ils ne peuvent définir les contours. Bien entendu, suivant l’intensité du secret et l’impact supposé sur leur propre existence, cette sensation désagréable est plus ou moins forte. Il est évidemment indispensable pour l’équilibre d’une personne de faire la lumière sur le secret destructeur, celui qui ronge. Si l’on subit le non-dit, on subit aussi la honte associée au secret, mécanisme étrange, mais puissant qui prouve la force des liens de famille.

Comment sortir du secret et des émotions liées ?

Remonter l’histoire familiale peut permettre de définir les contours de ces non-dits. Au sein d’une biographie, il arrivera parfois que la personne en quête de vérité se heurte à des portes closes. D’autres fois, la lumière sera faite sur ce qui devait être révélé et permettra aux descendants d’être libérés d’un poids qui n’appartenait qu’à ceux qui ont passé l’évènement sous silence.

Dans un autre cas de figure, la personne qui semble détenir le secret, au fond d’elle, tout au fond, caché dans son inconscient, n’aura justement pas la clé pour ouvrir ce qui, pour elle, a été un évènement hautement traumatisant. Il s’agit par exemple de cette mamie que l’inconscient a protégé du traumatisme d’avoir été abusée enfant en gardant le souvenir profondément enfoui, sans jamais le faire remonter à la conscience. Pourtant, ses enfants le sentent. Il sera alors possible d’émettre des hypothèses.

Parfois, au fil du récit, la personne qui retrace la vie de ses parents et de ses grands-parents comprendra que le non-dit était indispensable à la bonne morale de l’époque. C’est pour cela qu’il est indispensable de planter le décor. Et l’on pourra alors mieux comprendre la force du contexte social ou religieux, l’emprise d’un enfant trop jeune pour désobéir, la honte d’avoir failli à son rôle de parent, ou celle d’avoir transgressé les règles de la bienséance.  

Lorsque le non-dit traumatise profondément

Si le besoin de vérité s’associe à un mal-être plus profond, il devient alors utile, à la suite d’une biographie qui fait la lumière et rétablit la vérité, d’être accompagné par un professionnel. Une thérapie transgénérationnelle aidera, en effet, à couper des liens pour aider la personne à se libérer. La personne pourra ainsi laisser à ses aïeux leur vie et surtout leurs responsabilités. Un spécialiste de l’hypnose ou de l’EMDR (psychothérapie par mouvements oculaires) permettra d’accéder à l’inconscient grâce à des techniques douces, mais efficaces. Les séances de constellation familiale peuvent aussi aider à certains déclics pour laisser libre cours à l’émotion, se libérer tout simplement. 

En un mot...

Vous l’aurez compris, l’histoire familiale appartient à chacun de ses membres. Il est donc utile pour les générations futures d’en connaître les temps forts, les grandes joies, mais aussi les tourments. Loin de salir l’ensemble de l’histoire, retracer le parcours de nos parents, grands-parents et autres aïeux, c’est partir à la recherche de nous-mêmes. Car nous sommes faits du même bois, du même arbre… Et même si la lumière est faite sur des évènements peu glorieux, l’on parle alors de vulnérabilité, l’une des facettes de l’être humain. Enfin, il est plus qu’essentiel de connaître ces traumatismes de famille pour avoir la possibilité de les mettre à distance afin qu’ils ne nous empêchent plus d’avancer.

Caroline MAIRAND, biographe

Reconversion professionnelle : pourquoi pas vous ?

De même qu’il existe de moins en moins de parcours professionnels linéaires, les reconversions professionnelles sont devenues pratiques courantes. Burn out, quête de sens, lassitude, rupture liée aux divers confinements ou tout simplement l’envie d’ailleurs, les raisons sont nombreuses, tout au autant que les déclencheurs. Cependant, si le besoin d’arrêter un métier peut être immédiat, le processus de reconversion nécessite de passer par des étapes partant d’une indispensable introspection pour aller vers la concrétisation du projet. Une véritable métamorphose qui touchera d’ailleurs plusieurs pans de votre vie.

Le constat de la désillusion

L’engagement dans sa première voie professionnelle

Dès la 5e, vous saviez ce que vous vouliez faire de votre vie. Peut-être était-ce réellement votre voie à ce moment-là ou peut-être avez-vous suivi un idéal, la recherche d’identité à travers un métier prenant parfois le pas à l’adolescence sur les aspirations profondes. Une autre personne a repris tout naturellement l’entreprise familiale, par tradition, mais aussi réel goût pour le métier. Certains manquent de maturité quand d’autres embrassent une carrière professionnelle avec passion et certitude. Le point commun de ces personnes est bien cette interrogation à 30, 40 ou encore 50 ans : ai-je encore l’envie de continuer ce métier ?

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Pourquoi l’on s’entête ?

Certains étudiants se dirigent vers une voie, soit orientés par leur entourage, soit parce que la matière leur plaît, que le succès est au rendez-vous. Pour autant, ils ne visent pas forcément un métier. Le master en poche, il a pu être observé que certains diplômés décidaient de faire volte-face pour choisir un tout autre chemin et aller vers ce qu’ils aimaient vraiment.

Le professionnel peut quant à lui s’entêter et rester dans un poste pour plusieurs raisons. Il peut se dire qu’il n’a tout simplement pas le choix (il lui manque le diplôme, le prêt immobilier reste à rembourser, la famille s’agrandit, etc.). Un autre n’a pas encore eu l’impulsion, le déclencheur. Parfois, il arrive aussi que certains aient besoin d’aller au bout de ce qu’ils peuvent supporter. Cette dernière situation est bien sûr la plus risquée pour l’équilibre général. Quoi qu’il en soit, il est certain que changer est une démarche coûteuse à différents niveaux : énergie, temps, finances parfois.

Et si l’on reste, malgré tout, que se passe-t-il ?

Continuer à travailler dans une atmosphère qui ne nous convient pas, une de celles qui entrent en conflit avec nos valeurs, peut provoquer une dissonance cognitive. À la longue, le cortex cingulaire antérieur libère du cortisol et de la noradrénaline. Le stress devient chronique, ouvrant la voie au Burn-out ou à la dépression. La zone du cerveau concernée est d’ailleurs très impliquée dans la recherche de sens.

Arrivé au bout du chemin, prendre le temps de faire le point

Après 10, 15 ou 20 ans dans une profession, un rythme qui ronronne ou au contraire une course effrénée, la lassitude a raison de vous, le vide de sens s’installe. Vous vous sentez au bout. Le temps est donc au bilan pour savoir quelle direction choisir.

1-Consulter le baromètre émotionnel

Vous sentez-vous vivants, enthousiastes ?  Avez-vous de l’énergie à revendre ? Ou au contraire, êtes-vous fatigué de façon chronique, morose, irritable, voire même cynique ? À l’écoute de vos émotions, vous portez en vous les indicateurs qui témoignent de votre décalage entre la place que vous occupez actuellement et vos aspirations profondes. Soyez attentif à ces signaux, à leur intensité, à leur fréquence… ils vous donnent beaucoup d’information.

2-Se poser les bonnes questions

Lorsque le mal-être a été identifié, il est incontournable de se poser afin d’identifier le véritable problème. Dans le but de poser un diagnostic fiable, explorez les 8 quartiers de votre vie en leur donnant une note d’appréciation de 0 à 10 , 0 signifiant que vous n’y êtes plus du tout épanoui, 10 que vous êtes comblé. Les 8 quartiers de vie sont la carrière professionnelle, la vie de famille, la vie amoureuse, la santé, les loisirs, les finances, le développement personnel et l’environnement physique.

3-Raconter votre parcours

C’est précisément à ce stade que la biographie entre en jeu. Elle permettra de valoriser le parcours tout en mettant en relief vos valeurs profondes, celles qui vous permettront de vous sentir à votre place dans votre futur métier à condition qu’il coche toutes les cases.

Notez bien que vous n’êtes pas simplement en train d’opérer un changement de métier. La réflexion est bien plus vaste. Les discussions en famille avec votre conjoint et vos enfants sont alors importantes pour veiller à ce que le nouveau « vous » soit connu de vos proches. Pas d’inquiétude cependant puisque vous partez à la recherche de vos aspirations profondes et redevenez fidèle à vous-même. Mais il est vrai que le changement peut parfois déstabiliser votre entourage.

Un bilan de compétence avec un cabinet spécialisé ou accompagné d’un coach vous permettra d’avoir un regard objectif sur votre savoir, et savoir-être. L’intérêt sera bel et bien de dresser un tableau exhaustif de vos compétences acquises grâce à votre vécu professionnel.

En un mot…

Il n’existe pas un parcours idéal, il y a le vôtre – les vôtres devrions nous dire – et même si vous vous trompez dans une première intention, l’aiguillage s’affinera au fil de votre exploration. Il n’y aura aucun regret à avoir. Parfois, aller au bout d’une impasse permet de mieux se connaître pour prendre la bonne voie en pleine conscience. Quoi qu’il en soit, dans vos nouvelles fonctions, vous accepterez mieux les contraintes, car vous gagnerez surtout en épanouissement. Les reconversions professionnelles révèlent souvent de jolis talents. Rien d’étonnant… Lorsque vous êtes alignés avec vos valeurs, votre métier coule de source.

Caroline MAIRAND, biographe

Une salle d’attente en 2024…

Un peu en retard, je presse le pas pour atteindre le secrétariat. Mon impatience ne fait que croître lorsque j’aperçois la file d’attente pour enregistrer mon arrivée. Nerveusement, je consulte ma montre. Une petite dame brune, âgée peut-être 80 ans, s’approche doucement, en clopinant, une canne à la main. Son pantalon fluide laisse deviner une jambe articulée. Tout naturellement, je lui propose de passer devant moi. « Oh non, madame, vous avez l’air pressée. Moi, j’ai tout mon temps. », répond-elle. Un sourire doux, sincère et contagieux éclaire son visage. « Je suis curieuse, excusez-moi, pourrais-je voir ce que vous lisez ? », dit-elle en apercevant le roman que je tiens sous le bras. Je suis cueillie par la douceur de cette femme… Je prends le temps de lui répondre et lui tends mon ouvrage en l’invitant à lire la 4e de couverture. « Ça a l’air bien… », déclare-t-elle, le visage toujours rayonnant.

Dans la salle d’attente, il ne reste que 3 chaises libres. Je m’y installe dans l’idée de me plonger dans la lecture de mon ouvrage, en attendant mon tour. C’est sans compter sur l’atmosphère que je découvre. Face à moi, un vieux monsieur qui a connu la Seconde Guerre raconte des souvenirs poignants. Sa mémoire est encore vivace, ses propos passionnants.  Sa voisine, légèrement plus jeune, semble-t-il, l’écoute et lui répond en évoquant sa propre expérience « d’enfant de la Seconde Guerre ». Ils sont venus ensemble au rendez-vous, pensé-je. 

Photo de Andreea Popa sur Unsplash

Soudain, une porte s’ouvre. L’assistante du spécialiste appelle le patient suivant. La personne se lève, aussitôt la porte se referme sur elle. Un couple déclare : « Elle est tout à fait charmante cette assistante. » Deux autres acquiescent, avec enthousiasme. La petite dame brune, qui me suivait, vient s’assoir à côté de moi. 

Il règne dans cette salle d’attente une atmosphère chaleureuse et propice aux échanges, l’une de celle qu’on a connue, mais que l’on retrouve peu de nos jours. Aucun écran, un livre dans les mains d’une patiente… Au fond des yeux de ma voisine, une envie de saisir la chance – peut-être l’unique occasion de sa journée – de bavarder un moment. Enfin, la spécialiste appelle ce monsieur âgé qui conte la guerre. Nous le voyons se lever et prononcer ce « Oui, c’est bien moi ! Bonjour Docteur… » plein de politesse, puis, de nous saluer avec la classe d’un homme de son époque. Je découvre donc qu’il est venu seul. Sa voisine était une parfaite inconnue avec qui il a eu simplement plaisir à échanger en attendant son tour…

De mon côté, je fouille dans mon sac à main, à la recherche d’un morceau de papier sur lequel écrire les références de mon ouvrage pour la petite dame brune, puis le lui tends. « Oh, merci, comme c’est gentil ! » s’enquiert-elle, comme si je venais de lui livrer un somptueux bouquet de fleurs. Des échanges entre les uns, des livres dans les mains des autres, des sourires, de la gentillesse… un extrait de vie et de partage. Non, je ne rêve pas…Si j’en crois la douleur de mes yeux, objet de ma venue chez ce spécialiste, je suis bien réveillée. Réalité d’un jour, ce vécu sonne comme le souvenir de la vie d’une salle d’attente de mon enfance. Petite madeleine, en ce matin d’avril 2024…

Caroline MAIRAND, biographe